Madeleine est née le 4 mai 1920 à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine). Ses grands-parents maternels étaient des ouvriers agricoles, des betteraviers du sud de l’Aisne. Ses grands-parents paternels cultivaient quelques vignes sur les contreforts de la Champagne. Comme ses parents travaillaient, le père comme contremaître, la mère comme ouvrière, dans une usine métallurgique du XIe arr. de Paris, Madeleine Vincent passa sa prime enfance chez ses grands-parents maternels à Nogentel (Aisne).
1930-1940: la vie et le militantisme à Boissy-Saint-Léger
Photo prise le jour de son arrestation à la gare de DOUAI-Nord, le 9 janvier 1942 (de face)
À dix ans, en 1930, elle rentra chez ses parents qui avaient pu, grâce à la loi Loucheur, construire un modeste pavillon, dans le quartier du Progrès, à Boissy-Saint-Léger (Seine-et-Oise, Val-de-Marne). Là, elle continua ses études primaires. Après le certificat d’études, elle suivit l’école primaire supérieure et obtint le brevet. Elle accomplit enfin une formation professionnelle de mécanographe et fut embauchée comme employée de bureau dans une entreprise du Sentier, spécialisée dans les « articles de Paris », Gissinger.
Son enfance, marquée par la pauvreté qu’elle avait côtoyée et par les douloureuses traces de la guerre 1914-1918, d’autre part la genèse du Front populaire, incitèrent Madeleine Vincent à s’engager en politique : à 15 ans, elle adhère aux Jeunesses communistes à Boissy-Saint-Léger ; après la création en 1936 de l’Union des jeunes filles de France (UJFF), elle anima le foyer UJFF de Boissy-Saint-Léger.
A 18 ans, elle adhére au Parti communiste français, mais, considérée comme trop jeune, elle ne reçoit sa carte qu’en 1938. Elle suit alors les cours de l’Université ouvrière, puis l’école nationale du Parti Communiste français à Vitry destinée aux cadres de l’UJFF. En 1939, elle travaille parmi les femmes de la région Paris-sud, se voit chargée de rechercher quelques « planques » dans la région de Boissy.
1940-1945: la Résistance et la Déportation
Dès Juillet 1940, elle entre dans la Résistance. En août, la direction de la Jeunesse communiste l’envoie en zone interdite – Nord, Pas-de-Calais, Somme. Sous le nom de « Claire de Lune », « Paulette », « Josette », « Simone Lambert » ou encore « La Parisienne » Madeleine VINCENT parcourt la zone occupée. En liaison avec des responsables communistes du bassin houiller, notamment Germinal Martel dans le Nord et Julien Hapiot dans le Pas-de-Calais sa mission est de réorganiser la Jeunesse communiste et de préparer les jeunes à la Résistance. Elle participa ainsi activement à la grève des mineurs (mai-juin 1941) et au passage de nombreux JC à la lutte armée. Elle aura pendant toute cette période des rencontres régulières avec Danielle Casanova. Sur dénonciation de Lucien Bailleux (condamné après la guerre à vingt ans de réclusion), elle est arrêtée le 9 janvier 1942 en gare de Douai.De janvier à août 1942, Madeleine Vincent fut internée à la prison de Loos-lès-Lille, subissant des interrogatoires brutaux.
Le 5 août 1942, elle fut déportée comme « NN » (Nuit et Brouillard) en Allemagne.
Elle passe de prison en prison : Essen (août 1942-mai 1943), Zweibrücken (mai-juillet 1943), de nouveau Essen (de juillet 1943 jusqu’au bombardement de la prison en avril 1944), Kreusburg (avril-juillet 1944). Dans cette dernière prison, Madeleine Vincent anima la grève des prisonnières françaises et belges refusant de travailler pour l’ennemi. En juillet 1944, elle fut transférée dans le camp de Ravensbrück puis, en mars 1945, à Mathausen d’où elle fut libérée par la Croix-Rouge le 24 avril.
Source: Plan du camp de Ravensbrück, Centre des archives diplomatiques de La Courneuve, 1AJ/6340 Photo de Sebastien93430
1945-1996: cinquante années d’engagement communiste et féministe.
À son retour, après avoir été soignée dans un hôpital suisse, Madeleine Vincent fut d’abord associée au secrétariat de l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF), responsable notamment des foyers de jeunes filles et de l’organisation des loisirs. Puis elle anima la reconstitution de l’Union des jeunes filles de France dont elle fut secrétaire générale jusqu’en 1949. Madeleine Vincent se maria, le 23 novembre 1946, avec Guy Ducoloné. Le couple eut un fils : Daniel (né en 1963). De 1949 à fin 1951, Madeleine Vincent travailla à l’Union des femmes françaises, responsable d’abord du foyer culturel Danielle-Casanova, puis adjointe à la propagande. Elle resta ensuite membre de la direction nationale.
De 1953 à 1959, elle fut conseillère municipale d’Issy-les-Moulineaux où elle habitait.
Et, aux élections législatives de 1958, elle fut la suppléante de Léon Salagnac dans la circonscription Issy-Vanves-Malakoff. Fin 1951, Madeleine Vincent fut élue au secrétariat fédéral du PCF de la Seine et chargée du travail parmi les femmes. Lors de la décentralisation de 1953, elle fut élue au secrétariat de Seine-Sud et, successivement, responsable aux femmes et à la propagande, puis première secrétaire fédérale. Responsabilité à laquelle lui succéda Georges Marchais*.
Le XIIIe congrès (juin 1954) élit Madeleine Vincent au comité central comme suppléante. Titularisée au congrès suivant (juillet 1956), elle fut alors chargée de nouvelles responsabilités au comité central, s’attachant notamment à la promotion de cadres féminins. De 1962 à 1968, elle continua à assumer cette activité.
Le XIXe congrès (février 1970) élit Madeleine Vincent au bureau politique.
De 1970 à 1979, elle dirigea le secteur femmes. Son intervention au XIXe congrès (« Gagner des millions de femmes aux luttes pour la démocratie, pour le socialisme ») et son article dans les Cahiers du communisme de septembre 1970 (« Femmes. Un débat ouvert ») soulignèrent le tournant qui s’opérait, après 1968, dans le Parti communiste français, tenant de plus en plus compte des aspirations des femmes à davantage de droits et de libertés. Elle participa alors à la rédaction d’un texte en faveur de la contraception et de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), adopté par le bureau politique.
Couverture des Cahiers du communisme (septembre 1970) Source: Université de Bourgogne
Au XXe congrès (décembre 1972), son intervention porta sur : « Pour changer la situation des femmes ».
En mars 1975, elle publia dans les Cahiers du communisme un article intitulé : « Condition féminine : une autre politique est nécessaire ». Au comité central du 9 novembre 1976, elle présenta un rapport : « Pour les femmes, une vie heureuse, libre et responsable dans l’égalité ». Grâce en partie à ces avancées, la proportion des femmes a considérablement progressé en dix ans dans le PCF (de 26 % en 1966 à 41 % en 1976), qui opéra aussi une promotion des cadres féminins.
Madeleine Vincent représenta aussi le PCF à de nombreux congrès de Partis communistes, notamment polonais, bulgare, norvégien. Elle suivit de très nombreuses fédérations, notamment la Seine-et-Marne et le Pas-de-Calais. De 1979 à 1990, Madeleine Vincent, toujours membre du bureau politique, fut chargée de la préparation des élections et du travail des élus communistes dans les collectivités locales. Elle intervint sur ces sujets lors de nombreux comités centraux et au XXVe congrès (février 1985). Les 17 et 18 novembre 1986 elle présenta un rapport au comité central, intitulé : « Les élus communistes et la gestion des collectivités territoriales face à la crise de la société ».De 1990 à 1993, Madeleine Vincent fut responsable des comités régionaux du Parti communiste français – collectifs comprenant les secrétaires fédéraux, les responsables des élus communistes et quelques spécialistes (par exemple de l’aménagement du territoire). De 1993 à 1996, elle appartint au collectif vie des fédérations.
À partir de 1996, sur demande de Marie-George Buffet, Madeleine Vincent se voua à la recherche sur l’histoire du Parti communiste français et des femmes, recherche facilitée par l’ouverture des archives du PCF.
Madeleine Vincent est décédée le 22 novembre 2005 à Issy-Les-Moulineaux (92)
- Elle était croix de guerre pour sa participation à la Résistance dans le Nord, et notamment lors de la grève des mineurs de 1941.
- Officier de la Légion d’honneur au titre de la Résistance, elle a été élevée à titre posthume au grade de commandeur le 18 décembre 2008 par Raymond Aubrac à la Maison des métallos à Paris, puis au grade de grand-officier le 20 février 2014 par le président de la République François Hollande au palais de l’Élysée.
Son père est enterré au cimetière de Boissy-St-Léger