Au XVIème siècle, sur le rebord du coteau qui domine la plaine de Créteil, le village de Boissy-Saint-Léger est implanté le long de sa « Grande Rue » Cette voie de communication avec Paris traverse le territoire quasiment en ligne droite, depuis Créteil jusqu’à Brie-Comte-Robert.
Sur le plateau, au milieu de terres cultivées prises sur la forêt, des maisons sont groupées autour de la chapelle Saint Jean-Baptiste du village de Grosbois-le-Roi. A partir de 1597, Nicolas de Harlay, surintendant des finances du roi Henri IV, se fait construire un château sur la terre de Grosbois que son épouse, Marie Moreau, lui a apportée en dot : le corps de logis central, ses deux pavillons latéraux et la ferme. En 1616, il vend Grosbois à Charles de Valois.
La première déviation
Charles de Valois est le fils naturel du roi Charles IX. Il fait édifier les deux ailes du château et leurs pavillons. La superficie du parc atteint 220 hectares. Ce n’est pas assez ! Pour arrondir son domaine, Charles de Valois s’approprie des terres appartenant du Prieur de Marolles, à l’abbaye de Saint-Maur et des biens communaux à Boissy, Sucy et Marolles. Et il fait raser le petit village de Grosbois-le-Roi, peu soucieux du sort de ses habitants !
Portrait de Charles d’Angoulême par Benjamin Foulon, vers 1600
La route de Provins (par la rue de Paris et l’allée de la Princesse actuelles) traverse le parc de Grosbois près du château. Pour disposer d’une vaste propriété d’un seul tenant, il fait déplacer la route vers le sud, à la limite des communes de Brévannes et de Villecresnes. Les contemporains reconnaissent que ce contournement du domaine est des plus utiles : le passage était impraticable dans les parties marécageuses du Réveillon.
Le parc ainsi grandement agrandi, est clos d’un mur long de plus de 10 kilomètres, mur qui existe toujours.
La deuxième déviation
La route royale 19 emprunte le tracé de la rue de Paris et du boulevard Léon Révillon. En 1841, le conseil municipal attire l’attention de l’État sur « le danger que présente la montagne de Boissy dans la traversée de la commune ». La circulation des voitures à chevaux dans la Grande Rue, étroite et mal pavée, est peu aisée. Il est difficile de se croiser. Pour gravir le coteau, il faut louer des chevaux de renfort. Pour le descendre, il vaut mieux serrer les freins, si l’on veut éviter de se rompre le cou.
Dès 1868, les Ponts et Chaussées étudient un projet de déviation vers l’ouest, à partir du bas de la côte jusqu’au Repos de la Montagne, pour atténuer la pente de la route, cause d’accidents fréquents.
Après bien d’atermoiements du conseil municipal, le projet des Ponts et Chaussées est finalement réalisé : la déviation est ouverte en 1884. C’est l’actuelle avenue du Général Leclerc.
La troisième déviation
Boissy-Saint-Léger se développe donc à partir de 1920 sur le plateau, avec les lotissements pavillonnaires du Bois Clary et du Progrès. Puis, au cours des années 1960 – 1970, sur le coteau. En 1962, la ligne de chemin de fer de la Bastille est transformée en branche du RER Est – Ouest. Ce nouveau moyen de transport plus rapide, plus souple et plus confortable que la traction à vapeur, entre en service le 14 décembre 1969.
Dans le même temps, le schéma d’aménagement de la région parisienne prévoit la construction d’un grand ensemble au terminus du RER, sur les terres agricoles de la plaine. L’architecte du nouveau quartier à construire – aujourd’hui la Haie Griselle – veut un terrain d’un seul tenant : la nationale, qui traverse la plaine en droite ligne de Bonneuil au pont du RER, est gênante… Tout comme Charles de Valois qui voulait que son domaine de Grosbois soit le plus grand possible !
L’aménageur accepte de repousser la nationale vers le nord. Cette troisième déviation est achevée en 1973.
La quatrième déviation
Après l’urbanisation importante de Créteil et de Bonneuil, la banlieue de Paris rejoint Boissy-Saint-Léger. Le trafic automobile sur la nationale ne fait que croître avec le développement des constructions de logements en Seine et Marne, en Essonne et dans tout le département du Val de Marne.
Dès 1974, le tracé d’une nouvelle déviation de la nationale est inscrit dans le plan d’urbanisme de la ville. Il est prévu de remplacer la « déviation » dans la Haie Griselle par un nouveau tracé en tranchée ouverte jusqu’au milieu de la Rampe du Piple, puis de traverser l’ancien village en tunnel, pour rejoindre la nationale sur le plateau à la limite du parc de Grosbois.
Or il a fallu attendre 20 ans pour que l’Etat maitre d’ouvrage accepte d’établir un dossier technique de réalisation, puis encore 10 ans pour le premier coup de pioche. On prévoit alors d’achever les travaux en 2011 ! La partie nord de la déviation dans la Haie Griselle est ouverte à la circulation en 2012. La partie sud, depuis la ligne RER jusqu’au Repos de la Montagne, en avril 2021.
Ainsi une route, autrefois parfaitement rectiligne, serpente aujourd’hui entre la ville et les châteaux du Piple et de Grosbois, au gré des fantaisies des châtelains et de l’urbanisation du village d’antan.